Douce et paisible Nature
J'étais pourtant persuadée depuis mes cours de sciences naturelles de primaire que l'homme se trouvait tout en haut! Et qu'en tant que homme, femme même, j'étais invulnérable! Bah détrompons-nous, je vous assure qu'avec comme seuls outils ou armes des paquets de chips et des baskets rose bonbon trouées, le tout au beau milieu d'un parc naturel dépourvu de toute trace humaine à 30km à la ronde, on sent sa force translucide face à la présence d'un ours. a pu la force.
Je vais envoyer une lettre à Sophie, ma prof de CP. Et par aquis de conscience, à Mme Masson aussi, ma prof de CM2. (pcq je ne sais plus quand est-ce qu'on a eu droit au schéma de la chaine alimentaire, menfin je parie que, comme tout le reste, on l'a revu chaque année, surtout dans les petits villages champêtres de mon enfance).
BREF, je vous replace vite fait dans le contexte spatio-temporel. Fin septembre, Montréal: Xavier et Przemek, parisiens ascendants maubeugeois à fibre voyageuse, me rendent visite à l'occasion. Je me laisse vite tenter par leurs projets d'excurssions allant de la visite civilisée de la ville de Quebec, de Toronto en passant par l'Ontario (à quelques misérables petits 600 km de Montréal -moins civilisé le coin déjà- ), au programme nuits blanches à Toronto (sur le modele parisien des musées ouverts la nuit), menfin il arrive que les sujets des oeuvres contemporaines ne respectent pas le deal (une femme dans une cage de verre):
découverte de tout le panel de fast-foods canadiens (sur les 1500km effectués en quelques jours on peut pas en rater l'occasion), mais surtout, c'est là que ça se corce, radonnée et camping que je qualifierais de sauvage pcq simplement signalé par une pancarte orange de 20cm clouée à un tronc d'arbre au beau milieu de la forêt. Ah si, si... si, il y avait un autre indice: la corde dans l'arbre...... la corde dans l'arbre pour accrocher la nourriture (les chips).... cette bonne blague. Moi je pensais que c'était pour faire rural, voire même grands espaces verts et encore inviolés par l'homme qu'il y avait des recommendations à propos des ours attirés par notre nourriture dans les guides touristiques... Pareil, je croyais à de l'humour quand, avant de partir pour deux jours loin de tout (secours), il y avait inscrit entre deux boutiques souvenirs sur le tableau des "animaux vus dans le parc" à la date du jour "ours brun".
Menfin on écoute pas tout ça hein? Dans la chaleur de la voiture et le confort des sièges, après un bon plat fumant, on enfile gentiment ses chaussures trouées à semelle plate et on rit devant l'indication "attention chemin de randonnée difficile, prévoir minimum trois jours". N'empêche c'était beau, ces moments d'inscouciance:
L'évènement perturbateur fut ce moment maudit où nous croisâmes en plein sentier, des excréments d'ours....... (on a eu confirmation plus tard d'experts en la matière). Dès lors (le fourbe jour en profita pour tomber), chaque infime bruissement autour de moi, chaque craquement m'a paru comme le pas d'un prédateur en quête de souper.
Je vous passe tout ce qu'il s'est tramé dans ma tête (de toute façon je ne m'en souviens plus), m'enfin je n'ai pas insisté pour prolonger le feu de camp (camp que nous avons atteint assez tard, la nuit venue) et je me suis enfouie rapidement dans mon duvet en espérant que ça amortisse les morsures. Mais le pire, c'est qu'on serait tenté de me penser en parfaite compagnie rassurante, sécurisante, en tant que jeune fille frêle entourée de deux hommes robustes! Or point du tout! L'un gémissait comme s'il n'avait jamais mué et l'autre s'obstinait à expliquer que les pas lourds et lents autour de notre tente ainsi que les reniflements sur la toile n'étaient qu'un écureil, ou.... un homme atteint d'une psychopathologie inhérente à sa condition d'errant solitaire...... appaisant ha oui oui!!!
rrraaaaahaaa!!
M'enfin tout est bien qui fini bien, j'ai réussi à m'endormir au bout de quelques triards de secondes et nous avons parcouru les 25km restants le lendemain à un rythme ma foi très honorable.
Surtout quand on se rapelle qu'à 6km du camp, il ne nous restait comme seule source d'hydratation qu' une demie bouteille de vodka.
Ca forge l'assimilation culturelle! A l'arrivée on ne rechigne pas à boire les breuvages aux teintes suspectes des nos curieux autochtones.